samedi 17 octobre 2015

Massenet, "Chérubin"

Pour changer, je suis en retard. il est 19h45, je n'ai pas mangé et remonte rapidement la rue de Maguelone, évitant excéments canins et gens douteux.

Maintenant que je n'habite plus aux Beaux-Arts, je dois venir en voiture, car, oui, j'ai la flemme de marcher, même si je pourrais. Je n'habite pas à 15km non plus...
Je me dépêche, tends mon billet au monsieur à l'entrée, et prends place. En bas, a quelques places de l'orchestre, mes places préférées. Je laisse traîner mon regard pour observer autours de moi; j'aperçois beaucoup de jeunes, et cela me réchauffe le coeur!
Les lumières se tamisent, ça commence.
Le rideau se lève.
La scène me captive automatiquement. Une ambiance de country-club modernement désuette, des personnages semblent attendre quelque chose. Ils sont assis, discutent, un barman s'occuppe de son bar. Il a l'air empoté, on s'attache à lui immédiatement.
Le décor est planté: coloré, aéré, suggéré. Il laisse place à l'imaginaton du spectateur, tout en le guidant à travers la prise de vue du metteur en scène Juliette Deschamps.
L'histoire, rappelons-la brièvement : Chérubin, jeune dandy fraîchement majeur, décide de profiter de la vie et de séduire à tout va. Les femmes de ses amis, la candide Nina, la sulfureuse Ensoleillad, voire son mentor, Philosophe. Là se joue l'ambiguité du personnage : Massenet a volontairement écrit le rôle pour une soprano, alors que le personnage est masculin. Une autre prouesse du metteur en scène : utiliser cette ambiguité et la déporter sur tous les personnages, tant sur les costumes que sur le jeu d'acteur. 
Chérubin, incarné par Marie-Adeline Henry, que je retrouve avec plaisir depuis la saison dernière (vous pouvez faire un update ici), joue parfaitement. Sa voix est toujours aussi profonde et saisissante, mais qui, à mon humble avis sans importance, résiste un peu sur les aigus.

Chérubin, Marie-Adeline Henry
Chérubin, Marie-Adeline Henry
La pièce est ouverte par Philosophe (Igor Gnidii), qui est devenu mon personnage préféré. Sa voix puissante, rassurante, est parfaite pour son rôle de tuteur. Mais la première chose qui m'a frappé et fait sourire fut son costume. Juliette Deschamps n'a peur de rien, et elle a entièrement raison. Le chanteur prend du plaisir à chanter, à jouer et cela se voit. Du bonheur lyrique en tutu.

Philosophe, Igor Gnidii
Philosophe, Igor Gnidii
L'ensoleillad (Cigdem Soyarslan) est une danseuse espagnole que Chérubin décide de séduire. Sa voix est fine, nuancée et profonde, et son accent Turc résonne divinement. J'ai adoré sa robe :
L'ensoleillad, Cigdem Soyarslan
L'ensoleillad, Cigdem Soyarslan
Regardez de plus près : oui, oui, se sont des gants. L'histoire ne nous dira pas si Mapa a sponsorisé cette pièce.

Vous l'aurez compris, j'ai réellement été happé par cette production. Juliette Deschamps a su parfaitement mettre en scène l'oeuvre de Massenet, la transposant dans cette ambiance 50's américaine, riche et insouciante. Cette dernière n'a pas peur de jouer avec les codes, usant et abusant de subterfuges : costumes ambigus et opulents ; scène détaillée, tant par le décor, les danseurs, ou encore ces scène filmées en noir et blanc et projetées par moments.

Tous les personnages, de l'anodin barman à l 'envahissant Chérubin, en passant par les insupportables Tic & Tac que sont les Duc et Baron et l'innocente Nina, tous sont bourrés de charisme et de talent. 

Le grand absent de cette pièce sera pour moi le choeur de l'opéra. Surtout les hommes, les femmes faisant quelques actes de figuration (des filles de joie, oui monsieur). Dommage, on en connait certains très bon-ne-s.

Je suis fier d'avoir réussi à convaincre des amis d'aller à l'opéra! C'était leur premier, et ils ont adoré! C'est, de mon point de vue, une inestimable récompense. 

Vous le savez, j'aime laisser trainer mes oreilles, aussi bien à l'entracte que sur le parvis, à la fin. Je peux affirmer qu'il y a deux écoles, caricaturalement et tristement représentées ainsi :


Les Vieux
"Nimporte quoi."
"C'est kitsch." 
"C'est quoi ça?"
"Incohérent."
"Surchargé."





Les Jeunes
"J'ai A-DO-RÉ"
"Fantastique!"
"Les personnages sont à mourir de rire et attachants!"
"Le décor évolutif à toute sa place."



Ainsi donc, je ne peux que vous encourager à aller voir et forger ainsi votre propre opinion. A savoir, j'ai écrit à la journaliste du Midi Libre qui a massacré la mise en scène afin de savoir ce qu'elle lui reprochait exactement, elle ne m'a jamais répondu.




Photos par Valérie Chevalier, avec son aimable autorisation. Merci, les miennes étaient affreuses !



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jeudi 30 avril 2015

"Autours de Shakespeare", spectacle pour enfants

J'ai beau fréquenter souvent l'opéra de Montpellier, j'avoue que je ne suis pas assidûment le programme, et découvre souvent par hasard où au dernier moment (surtout!) les dernières programmations. C'est ainsi qu'en traînant sur les réseaux sociaux, j'ai vu que l'Opéra de Montpellier proposait un spectacle s'adressant aux enfants autours de l'univers de Shakespeare. Cool, même si je ne suis pas sûr qu'Othello, ça parle au moins de 8 ans, il est difficile de résister avec un tarif de 5€ pour un adulte. Je n'ai rien a perdre, et puis j'aime bien Shakespeare! Ni une, ni deux, j'appelle la billeterie pendant une pause au travail pour réserver ma place pour le lendemain. "Combien vous faut-il de places? -Une seule, je viens tout seul, oui, seul..." #Déprime #MerciMadame


Il est 16h45, je pars de chez moi, vêtu de mon plus beau pantalon framboise (et les chausettes bleues, c'est important), et me dirige vers le sanctuaire lyrique de la place de la Comédie. Évidement, il y a beaucoup d'enfants sur le parvis, mais c'est plus ou moins normal pour un spectacle pour enfant, non?
Je rejoins ma place, une place d'orchestre, mes préférées, et tweete gentiment :

Les lumières se tamisent, les enfants se calment; ça commence.

Dans l'idée, c'est l'histoire d'un enfant, Guillaume, qui est fan des oeuvres de S. (comme dans Gossip Girls, on abrège), et qui, après avoir récité les formules magiques des sorcières de McBeth, se retrouve catapulté dans l'univers de l'auteur. Or, les méchantes sorcières ont tout mélangé et les histoire n'ont ni queue ni tête. Guillaume doit alors tout remettre dans l'ordre avant de rentrer chez lui. 
Dans l'idée, c'est très mignon et ça peut éveiller la curuosité des enfant pour l'univers de S. En tout cas, moi ça m'a donné envie d'en relire certains!

Le seul accompagnement est un piano, et le choeur de l'Opéra accompagne l'acteur. Parlons-en, du choeur. C'est la première fois que j'approche la bête d'aussi près, presque au naturel, sans toute la symphonie de l'orchestre, sans les solistes qui nous aveuglent de leurs voix, sans les mises en scènes spectaculaires qu'on a pu voir. Le voici, le choeur, devant nous, presque nu, simple. Et ce que je vois n'est pas beau à voir. 
Je n'avais jamais fait attention, mais la moyenne d'âge doit être d'environ 60 ans. C'est effrayant. Mais bon, si le niveau est là, ce n'est pas tellement grave, si?
Mais ce que j'entends ne me réjouis pas plus. Sans l'importance de l'orchestre qui d'habitude nous emporte, ce choeur est bien fade. J'entends des notes aigües qui ne s'accordent avec rien, on dirait qu'il n'y a aucune unité entre les membres, certains restent raides comme des piquets, d'autres ne bougent pas les lèvres tandis que d'autres restent timidement dans leur coin, le tout sans une harmonie folle . 
Je pense a cette formule du professeur McGonagall dans Harry Potter à propos de ses élèves à qui elle apprend la valse pour un bal : "Une bande de babouins braillards et empotés!"


Je me demande honnêtement ce que certaines personnes font encore sur scène, mais je me dis que j'exagère, je n'ai jamais eu de tel ressenti en voyant les pièces précedentes. Je suis juste frappé par la médiocrité, aujourd'hui, de ce choeur qui m'a pourtant fait rêvé autrefois. J'aurais malheureusement du mal à m'enlever cette impression de l'esprit désormais.

Heureusement, l'acteur incarnant le jeune héros nous aura fait beaucoup rire par ses interprétations volontairement grotesques et enfantines et sa dégaine d'ado.
Ce que j'aime aussi, c'est écouter les gens autours de moi. Ainsi, je vois que je ris en même temps que les enfants, et que ces derniers se sont manifestement attachés à l'elfe Puck du Songe d'une Nuit d'Été qui, armé de sa fleur, ranime les divers personnages maudits par les sorcières.

En conclusion, un spectacle plein de promesses, mais très décevant. Je reste sur ma faim, et m'interroge quelque peu sur l'intérêt de cette oeuvre auprès du jeune public.



jeudi 2 avril 2015

La Clemenzia Di Tito

J'ai obtenu une invitation pour le répétition générale de l'opéra "La Clemenzia Di Tito" de Mozart. Ni une, ni deux, je propose à mon ami David de m'accompagner, sa seule expérience opéra-esque étant un fiasco.



Nous nous installons au balcon. Avouons-le, nous somme TRÈS mal assis ! Mes genoux touchent le bord et c'est vraiment inconfortable. A côté de moi, une charmante vieille dame me fait remarquer que c'est ça, d'être grand. Oui, merci. 


Première tableau, Vitellia (Marie Adeline Henry) chante, en duo avec Sesto (Justin Kim). Deux sublimes voix. 
Mais ce qui m'a d'abord frappé, c'est la scène, mélangeant comme une coupe de plusieurs pièces, de la chambre à la salle de bain, en passant par un bureau et une sorte de balcon, sur plusieurs étages. Le tout agrémenté de néon luminescents et de tableaux lumineux qui s'allumeront au moment voulus. 

Les lumières se tamisent, ça commence. Une toile blanche est tendue devant la scène, comme au cinéma, et fait défiler un générique, ce qui me rappelle les vieux films qui débutaient toujours par le générique. On nous présente les personnages et leur liens (Titus, empereur; machine, belle-soeur et amante de machin; ou encore, truc, le cousin de machine qui complote secrètement contre quelqu'un d'autre). 
Effectivement, si on ne connaît pas d'avance l'histoire, on se perd vite. Je suis perdu.




La mise en scène parfois improbable à résonnée en moi. Quelle fût notre surprise, quand, pour symboliser la révolte populaire et l'incendie du Capitole, des dauphins gonflables (oui, oui!) tombent du ciel avec fracas dans la fumée des fumigènes.



Les chanteurs font preuve de beaucoup de talent. Les trois qui m'ont marqué, seront le ténor américain Brendan Tuohy (Titus), qui malgré un physique de joueur de rugby, parvient à faire passer toute l'émotion fans sa voix, par des nuances vocales et son jeu d'acteur. 


Ensuite vient Vitellia, incarnée par Marie Adeline Henry, qui avec sa voix profonde et nuancée, péchant peut-être un peu pour les aigus, m'aura fait frissonner. 

Mais bon bravissimo viendra à SestoKangmin Justin Kim. Un contre ténor surprenant, aux performances vocales hors du commun, qui rend son personnage tellement touchant et attachant.


Les relations entre Vitellia, Sesto et Titus sont ambiguës. En effet, Sesto est amoureux de Vitellia, qui le maltraite, est odieuse avec lui. En parallèle, Titus semble éprouver plus que de l'amitié pour le garçon, qu'il déshabille et entraîne à la musculation dans une scène. 
Tous les personnages principaux sont vêtus de costumes très colorés, avec des accessoires dignes du meilleur des années 90. Des créoles en plastique vert criard, les collants assortis, le costume bleu ceruléen, ou le short et les chaussettes jaunes. Ce qui ajoute un effet acidulé et pétillant à ce tableau déjà haut en couleur et que je trouve bienvenu. Lors du Salut, je me rend compte que sont présentes toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Faut-il y voir une volonté du metteur en scène, entre les scènes ambiguës (je pense aussi à Servilia et Annio, un couple joué par deux chanteuses, dont une grimée en garçon) d'affirmer un soutien ou sinon un intérêt à la cause LGBT ?
Après, il faut se rappeler qu'à l'opéra, il n'existe pas de règles de genres, et qu'un homme peut indifféremment jouer une femme et inversement. 


Après tout, peu importe, l'art n'est que l'interprétation qu'on en a.

Une pièce qui, en tout cas, nous aura fait rire et frissoner.


Le solo de Sisto


Vitellia, torturée 

Le salut (coloré!)