vendredi 21 novembre 2014

Nitschke, "HAPPY, HAPPY"

18h00 Je me dépêche de partir du travail pour rentrer et me préparer pour aller voir "Happy, Happy"


19h30 J'arrive, essoufflé, comme d'habitude, à la billetterie. Je tends ma carte Tutti Pass et obtiens ma place; 1ère galerie, super !

19h45 Un sympathique demoiselle me mène jusqu'à ma place. Je suis pile en face de la scène, sous le monsieur qui s'occupe de l'éclairage apparemment.Une excellente place, je vois parfaitement la scène, je suis ravi !

Je suis vraiment curieux de vois cette oeuvre. Je ne suis généralement pas fan du contemporain, que je trouve souvent décousu et inintéressant, à l'image de la célèbre et inutile toile"Carré blanc sur fond blanc". J'avoue, je pars sur un très mauvais apriori.

20h00 Le rideau se lève. Décor minimaliste, fond noir. Cela ne m'étonne en rien. Et ça commence.
Première scène : apparemment, tous les personnages se disputent. Chacun chante sur un air différent, ça ressemble à une cacophonie, on distingue malgré tout de très jolies voix, telles que l'alto Alexandra Dauphin ou encore le baryton Xin Wang à la voix puissante (j'ai triché, j'ai regardé les noms sur le programme!) qui sont des solistes issus du choeur de l'Opéra. Il faut comprendre qu'ils travaillent habituellement dans le choeur, et que pour cette composition ils sont exceptionnellement solistes. Il a fallu qu'on m'explique!
En tout cas, cette première scène me laisse de marbre, et me conforte dans mes idées pré-conçues.

Les scènes suivantes vont s'évertuer à briser tous mes stéréotypes. Des mélodies magnifiques, des chanteurs excellents, des passages qui me donnent des frissons. 

La soprano qui tient le premier rôle, Karen Vourc'h, est excellente. Elle sait mélanger les scènes chantées (lyrique), parlées, ou encore le chant classique, comme vous et moi sous la douche, mais en mieux ! Elle est pleine d'énergie, et communique sa passion avec nous. Sa voix de tête résonne encore dans mes oreilles, avec une maîtrise des aigus impressionante. Un peu à la Caballé. Un peu.
J'ai beaucoup aimé pour l'alto Alexandra Dauphin, mon seul reproche serait que sa voix manquait un peu de puissance.

Mon coup de coeur ira définitevement au baryton Xin Wang. J'ai toujours eu une préférence pour les voix féminines, alors pour que ce monsieur me marque à ce point, c'est qu'il est bon!
Une voix grave, puissante, impressionante, juste. En plus, il paraissait habité sur scène, complètement dans son rôle, il nous communiquait, à l'instar de Karen Vourc'h, sa passion.

La mise en scène était très intéressante, très peu de décor, mais beaucoup de jeux de lumière. Ainsi, on verra apparaître un espèce de montage fait de néons rouges semblant représenter une chaîne de montagnes, ou encore deux colonnes de néons blanc incandescents apparaissant, entre autre, à la mort (?) de la protagoniste. Les lumières éclairent la scène, évidemment, mais aussi le public, ce qui est assez inhabituel. Et ce doit être stressant pour artistes qui ne peuvent manquer de nous voir !
Une ambiance très technologique, mais dans le mauvais sens du terme, comme une image d'usine kafkaïenne ou encore du film "Le Procès" de Orson Welles en 1962. On se sent mal-à-l'aise, oppressé par les machines, le non-humain, on a envie de crier et de se libérer.

J'ai compris dans cette oeuvre une critique de la société, de la quête de la perfection, via par exemple  la surmédicalisation, de l'abandon de l'humain au profit d'une machine anonyme.
C'est criant lors d'un passage où les paroles sont, de mémoire :

"Je ne veux pas mourir.
[...] Grâce à ton alimentation saine
Et ta pratique régulière de sport,
Nous te remercions pour tes organes de première qualité."

Il y a dans cette oeuvre beaucoup de clins d'oeil, par exemple, on retrouvera un passage de la Tosca de Puccini ("Vissi d'arte"), ou encore un poème de Houellebecq ("La possibilité d'une île"), et beaucoup d'autres que j'ai déjà oublié, mais qui m'ont fait sourire quand je les ai entendus.


Verdict: j'ai ADORÉ !

Et je n'ai pas été le seul, au vu du tonerre d'applaudissement qui s'en suivi.


Juste la mamie à côté de moi n'a visiblement pas aimé, elle se bouchait les oreilles au son des tambours, se cachait les yeux de la lumière, et lâchait un soupir d'exaspération toutes les cinq minutes. J'ai failli lui lancer mon programme dans la figure.
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J'y suis même retourné le lendemain, j'avais acheté une fleur pour la faire porter à cet artiste qui m'avait tant impressionné. J'ai ainsi demandé à une jeune fille qui m'a indiqué ma place si c'était possible, elle me dit d'aller la voir à la fin du spectacle. Ainsi, après avoir perdu mes mains a force d'applaudir, je m'exécute et vais la voir, elle m'indique le chemin vers les loges. Là, face au pompier qui en gardait l'entrée, je me retrouve désarmé, balbutiant un "Ben, euh, on m'a dit que...". Le cerbère reste dubitatif, quand la chef du choeur Noëlle Gény sort et me demande ce que je fais ici, avec ma fleur. "Je voudrais juste la donner à un artiste", déclarai-je, et ni une, ni deux:

"Oh ben allez-y!
- Moi? Mais ça me fait peur!
- Mais non!"



Et me voici dans les loges, je croise tous les artistes, je ne sais pas où me mettre, je me retrouve médusé en face de Karen Vourc'h (j'aurais du prendre plus de fleurs!), et demande mon chemin en montrant le nom indiqué sur la carte qui accompagnait ma pauvre fleur. Là le ténor Siegfried Bernard me mène à la loge que je cherchais, il frappe en criant "Xin! Xin!"
Et me voici, face au chanteur, qui me regarde avec un air interrogatif. Je ne savais absolument pas quoi dire, je n'avais pas du tout envisagé de me retrouver là, je baragouine quelque-chose d'incompréhensible, tends la fleur, et pars. J'avais 6 ans à ce moment-là.



Donc, pour conclure, si j'ai un opéra à vous conseiller, c'est bien celui-ci, qui ouvre parfaitement la saison 2014-2015 le l'Opéra de Montpellier.


Retrouvez ci-dessous un petit enregistrement (c'est pas bien), afin de vous faire une idée, car une musique vaut bien mieux que mille mots!




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Opéra en un acte pour soprano, chœur mixte, orchestre et électronique

Mathis Nitschke 
compositeur 

Arno Waschk 
direction musicale 

Urs Schönebaum 
conception et lumières 

Karen Vourc’h 
soprano 

Noëlle Gény 
chef de chœurs 

Alma Terrasse 
assistante à la mise en scène 


Chœur de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon